Vieux réflexe et doux fantasme

Casque à pointe et gouvernement d'union nationale...

La France n'est jamais en retard d'une (rayer la mention inutile) :

- bonne idée, idée géniale

- mauvaise idée, idée grotesque

Ben voilà. Nous y sommes. Ci simu comme on dit chez moi (prononcez "tchi zimou") !

Pour affronter la crise, comme on ne sait plus comment faire _l'a-t-on jamais su d'ailleurs ?_ nous avons une fois de plus recours à un vieux réflexe et à un doux fantasme.

Le vieux réflexe consiste à accuser l'Autre. Mollement grondé par son gouvernement, le parti socialiste (mais il n'est pas le seul) a redécouvert l'ennemi héréditaire : le boche, le schleu, le frisé, le casque à pointe, la Merkel maudite !

Il est vrai qu'une certaine rancoeur n'a jamais disparu après les derniers désaccords survenus de part et d'autre du Rhin. Je me souviens, par exemple, avoir pris un taxi à Strasbourg (reportage au parlement européen) et avoir demandé au chauffeur s'il y avait beaucoup d'échanges frontaliers : "Oui, tous les jours ! Vous savez jusqu'à 20 kilomètres on est les mêmes, hein. Mais plus loin, pas du tout ! Après c'est les vrais casques à pointe !" (conversation garantie 100% biothentique).

("Biothentique" est une marque déposée par moi-même).

J'étais bel et bien en présence d'un arriéré... Au sens comptable et historique s'entend, je ne parle pas de ce brave chauffeur de taxi. Quoiqu'il en soit le souvenir est toujours là, et le combat n'a pas cessé faute d'anciens combattants.

D'autant que les générations qui ont échappé au couloir de Dantzig _ cette agression allemande qui a troublé la sieste de Daladier (le "taureau du Vaucluse avec des cornes d'escargot" disaient les Anglais) _ ces générations, disais-je, ont douloureusement vécu cette autre intolérable agression teutonne : je veux parler de celle d'Harald Schumacher sur Patrick Battiston en 1/2 finale de la coupe du monde 1982.

D'ailleurs avez-vous noté ces troublantes similitudes : 1939, la France (cartel des gauches) déclare la guerre à l'Allemagne, 1982 (gouvernement d'union de la gauche) Schumacher nous prive de finale, 2013 (gouvernement nantais) Angela Merkel nous martyrise.

C'est y pas de l'acharnement ça madame ?

ET LE DOUX FANTASME ALORS ?

Patience, j'y viens.

Le doux fantasme en question est une sorte de vieux malentendu. Une grande partie de nos concitoyens _ abandonnant définitivement l'idée de comprendre quelque chose à l'agitation politique franco-parisienne _ ont toujours fait semblant de croire à un gouvernement d'union nationale qui s'articulerait au Centre. Mais, ils ont seulement fait "semblant"...

Ne mesurant pas, au passage, avec quelle cruauté ils ont fait naître des espoirs insensés chez quelques uns _ le pluriel est presque de trop _ à chaque fois abominablement meurtris par la terrible insignifiance de leurs ridicules résultats électoraux.

Alors aujourd'hui, les sondeurs ont eu la bonne idée de demander aux Français s'ils seraient favorables à un gouvernement d'union, droite et gauche rassemblées : réponse "Oui" à 75% ! Et pourquoi cette idée des sondeurs ?

C'est tout con : parce qu'en Italie, ça vient de se faire.

Ces grands farceurs (que j'adore) se sont rassemblés avec entrain derrière un dynamique quasi nonagénaire (Giorgio Napolitano). Et Dupont(d) s'est aussitôt dit : "Chuis pas plus con qu'eux hein, moi aussi si j'veux j'peux l'faire".

C'est là qu'est le malentendu.

Le président du Conseil italien, Enrico Letta _ que vous n'hésiterez pas à me faire le plaisir de surnommer Nono _ en hommage à "Non ho l'eta", grand prix 1964 de l'Eurovision chanté par la délicieuse Gigliola Cinquetti (le plus drôle c'est que "non ho l'eta" veut dire "je n'ai pas l'âge"... je pouffe) _ ... Bon où en étais-je ?

Ah oui, Enrico Letta et ce gouvernement d'union nationale ne doivent leur existence _ forcément précaire pour l'un comme pour l'autre_ qu'à la situation créée par Beppe Grillo, ex-amuseur public à la télévision, et ses succès électoraux. Et en France une chose pareille n'est pas possible !

Coluche est mort.